Un bilan accablant du CDI-I légal initial, qui devait être réformé

Au delà de ses aspects intéressants dans certaines situations de salariés intérimaires, la CFTC-intérim dénonce depuis des années les lacunes juridiques de cette forme de contrat, lorsque certaines agences l’instrumentalise contre l’intérêt des salariés intérimaires : confiscation des rémunérations en plus de la perte de l’indemnité de précarité, empêchement de prise de congés, poussée à la démission par des mobilités ou des missions abusives, etc.
C’est dans ce contexte que la CFTC-intérim se réjouit de l’extension du nouvel accord CDI-I : non que sa forme soit ainsi rendue parfaite, mais ce nouvel accord met un terme aux abus les plus criants des agences d’intérim. Ces abus étaient tellement honteux, qu’ils détruisaient la confiance des salariés intérimaires envers les agences et portaient atteinte à l’activité même des enseignes de travail temporaire. C’est en développant et en activant ce levier (et non en faisant appel à la bonté d’âme de la partie employeur), que la CFTC-intérim et les autres négociateurs syndicaux sont parvenus à pousser efficacement les améliorations obtenues.

Après plusieurs mois, le Ministère du Travail a enfin étendu le nouvel accord de branche du travail temporaire CDI-I

Rappel historique du CDI-I :

  • 2013 : négociation et signature d’un 1er accord conventionnel de branche sur la mise en place du CDI-I,
  • 2014 : extension de ce 1er accord par le Ministère du Travail,
  • 2018 : annulation de ce 1er accord par le Conseil d’État suite à une contestation d’une organisation syndicale et annulation, remplacement par une loi à l’initiative du gouvernement d’alors,
  • 11/03/2022 : signature d’un nouvel accord conventionnel de branche pour réhausser les garanties des salariés et freiner les abus patronaux de l’intérim, qui créaient de nombreuse situations contentieuses,
  • 28/04/2023 : extension de ce nouvel accord par le Ministère du Travail,
  • 1er/10/2023 : entrée en vigueur du nouvel accord CDI-I (6 mois après).

Conformément à cet accord, celui-ci entrera en vigueur 6 mois après son extension, c’est à dire à compter du 1er octobre 2023. Ce temps doit permettre aux employeurs de travail temporaire de se mettre en conformité avec les nouvelles règles.
Note : Les contrats CDI-I déjà signés et donc déjà en cours d’exécution au 1er octobre 2023, bénéficieront des nouvelles protections définies par cet accord, exceptées celles pour lesquelles le CDII existant comporterait des mentions écrites explicitement contraires (par exemple, si votre contrat stipule une mobilité de de 50 km, celle-ci reste valide ; sinon, votre mobilité devient 40 km).

Un accord de branche qui apporte de vraies garanties d’amélioration de la rémunération, de la diminution de la zone de mobilité obligatoire...

Télécharger :

  • le nouvel accord de branche CDII :
    Accord de branche CDI-I du Travail Temporaire du 11/03/2022

    ,

  • l’arrêté d’extension de l’accord :
    Arrêté du 26/04/2023 d’extension de l’accord de branche CDI-I du Travail Temporaire du 11/03/2022

    .

Les améliorations apportées par le nouvel accord CDI-I sont notamment :

  • délai de réflexion nécessaire sous 48h, pour pouvoir réfléchir d’accepter ou non le CDI-I : des agences faisaient signer le contrat sur des coups de tête, alors que ce contrat n’a jamais été approprié pour la situation de tous les intérimaires (voir notre article initial de 2013 sur les cas de bon usage du CDII pour les intérimaires) ;
  • délai de prévenance d’une demi-journée (4h) : des agences imputaient de manière abjecte des fautes graves sans aucun égard pour le respect de la vie privée des salariés intérimaires, quand une intermission était interrompue par une proposition ou que l’intérimaire ne décrochait pas dans l’instant (note : après 17h, la prévenance porte jusqu’au lendemain 12h) ;
  • intégration des durées d’intermission dans le décompte des périodes d’essai : des agences profitaient d’extensions abusives des périodes d’essai ;
  • mention des réelles qualifications d’emploi portées au contrat, en utilisant la nomenclature utilisée par l’administration (INSEE, Ministère) pour identifier les libellés des emplois, c’est-à-dire le codes Profession et catégorie socio-professionnelle des emplois salariés, code PCS-ESE : les agences inscrivaient des métiers fourre-tout trop flou, permettant de forcer des missions abusives qui ne convenaient pas du tout à l’intérimaire ;
  • limitation du périmètre de détachement à 40km de diamètre ou 1h15 aller de trajet en transport en communs : si la zone est encore un peu large, des agences envoyaient les intérimaires sans limite décente, sans aucun égard à leurs frais et fatigue de déplacement ;
  • précision obligatoire le cas échéant, des types horaires atypiques (travail de nuit, en horaires décalés, en continu ou discontinu, en équipes, le samedi ou le dimanche) : des agences se permettent en effet illégalement de modifier le type horaire du salarié intérimaire,
  • création d’un mécanisme probatoire (de 2 à 5 jours) où si le salarié intérimaire accepte une dérogation à son contrat, il peut interrompre la mission sans aucune rétorsion ni perte de rémunération,
  • prise en charge des frais de formation, déplacement et hébergement : des agences se permettaient de reporter sur l’intérimaire ces frais annexes,
  • exclusion de certains éléments et primes du calcul de Rémunération Mensuelle Minimale Garantie (RMMG), à savoir les majorations d’heures supplémentaires et les primes d’insalubrité, de travaux dangereux ou pénibles, de froid ou exceptionnelles : certaines agences diminuaient abusivement les rémunérations sous couvert de RMMG abusivement calculée,
    Note : les primes de 13e mois par exemple, qui sont des primes exceptionnelles (versée pour une période qui dépasse la périodicité de la paie), sont désormais clairement exclues du calcul de la RMMG.
  • réhausse minimale de la GMMR de 15% pour les agents de maîtrise et 25% des cadres : la RMMG applicable était indifférenciée jusqu’à présent,

Enfin, l’accord rappelle différents point de vigilance que le salarié intérimaire doit examiner et négocier avec l’agence avant signature :

  • le temps d’intermission est compté pour l’acquisition des congés payés : même si c’est la moindre des choses, il était nécessaire de le rappeler au vu de certaines pratiques agences ;
  • rappel que les protections et règles communes de fixation des congés payés s’appliquent (des agences bafouent ces règles en prétendant imposer ou supprimer arbitrairement des jours de congés acquis par le salarié intérimaire),
  • rappel que les périodes d’essai peuvent tenir compte des missions précédentes,
  • rappel que le délai minimal de prévenance de 4h peut être augmenté contractuellement (pas diminué),
  • rappel que le CDI-I étant un contrat de travail, un préavis est applicable lors de la rupture (sauf faute grave ou lourde),

Des lacunes non encore résolues par le nouvel accord CDI-I

Le point principal non encore résolu par l’accord, avait pourtant été posé dés le départ par la CFTC-intérim : les garanties et modalités de fin de contrat quand l’activité de l’agence ne permet plus le maintien du salarié CDI-I pour le donneur d’ordre entreprise utilisatrice pour lequel il a été conclu : évolution professionnelle, reclassement, indemnisation, rien n’est encore sérieusement abordé dans ce domaine par les entreprises de travail temporaires, qui n’assument pas réellement la présence de salariés intérimaires en CDI-I dans leurs effectifs, au delà de leur intérêt financier de court terme de diminuer leur salaire pendant une mission longue (non versement d’indemnité de précarité de 10%).

Le second point non encore résolu, est que toutes les rémunérations non régulières doivent clairement être exclues du calcul de Rémunération Mensuelle Minimale Garantie (RMMG), non pas seulement certaines primes précisément listées et les « primes exceptionnelles », terme un peu trop vague et sujet à contentieux. En effet, en ce cas ce sont les primes qui payent la RMMG de l’intermission et le salarié intérimaire en CDII n’en bénéficie alors pas.
Note : ce problème se pose évidemment aussi avec le salaire de base, lorsque son niveau est supérieur à celui de RMMG défini au contrat et qui est généralement au SMIC.

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Voir aussi :