Le stress au travail
Le stress professionnel apparaît depuis une dizaine d’années comme l’un des nouveaux risques majeurs auquel les organisations et entreprises vont devoir ou doivent déjà faire face.
Il s’agit d’un risque professionnel à double titre : des études scientifiques ont mis en évidence des liens entre des situations de travail stressantes et l’apparition de problèmes de santé mineurs ou de maladies plus sérieuses, et il est probable que le stress contribue à la survenue de certains accidents du travail.
Ce dossier a pour objectif de faire le point sur l’identification, l’évaluation et la prévention du stress au travail.
Définition
D’après l’Agence Européenne pour la Sécurité et la Santé au travail, le stress "survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face.
Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas uniquement de nature psychologique. Il affecte également la santé physique, le bien-être et la productivité."
Selon la discipline qui l’étudie, le stress peut faire l’objet de définitions différentes, mais quelle que soit l’approche, les définitions font toujours référence à trois composantes : des facteurs de stress ou situations de travail contraignantes qui vont exposer la personne au stress, la personne qui va réagir à ce qui lui pose problème, à la fois avec son corps et son psychisme, et des effets observables sur les comportements de la personne ou sa santé et sur l’entreprise si la situation concerne un nombre important de salariés.
Le stress : risque nouveau ou prise de conscience ?
Depuis plusieurs décennies, les pays anglo-saxons et de l’Europe du Nord se sont préoccupés du stress au travail. La France est, par contre, restée longtemps silencieuse sur cette question. Mais, depuis les années 90, plusieurs enquêtes étudient l’influence des conditions de travail sur la santé mentale, illustrant la prise en compte de cette thématique.
L’essentiel des enquêtes françaises « Conditions de travail et santé mentale »
- 1989 : Première vaste enquête épidémiologique menée par l’INSERM, sur les problèmes de santé physique et mentale dans le secteur d’activité particulier EDF-GDF (enquête INSERM) ;
- 1990 : Réalisation d’une enquête épidémiologique « âge, travail, santé » (ESTEV) étudiant les effets du travail sur la souffrance psychique (enquête ESTEV) ;
- 1991 : Troisième enquête « Conditions de travail » du ministère chargé du Travail auprès d’un échantillon représentatif de la population active française (la première enquête date de 1984). En 1991, des questions sur la charge mentale de travail sont incluses dans le questionnaire (dossiers de la DARES) ;
- 1994 : Enquête SUMER sur les risques professionnels réalisée par des médecins de travail, incluant des questions sur les« risques organisationnels » (dossiers de la DARES) ;
- 1998 : Quatrième enquête du ministère chargé du Travail sur les conditions de travail des Français, renforçant l’étude de la charge mentale (dossiers de la DARES).
Les pouvoirs publics et la Sécurité sociale ont également récemment statué sur la santé mentale au travail dans plusieurs textes :
- 1999 : une circulaire de la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs salariés), datée du 10 décembre 1999, reconnaît le caractère professionnel des traumatismes psychologiques, suite à une agression sur le lieu de travail, même si la charge de la preuve incombe au salarié. Télécharger le texte intégral de la circulaire (300 Ko) ;
- 2002 : Loi de modernisation sociale :
- Introduction de nouveaux articles dans le code du travail visant le harcèlement moral dans les entreprises (articles L.122-49 à L. 122-54).
- Extension de la responsabilité de l’employeur dans la prévention de la santé non seulement physique mais également mentale des salariés de l’entreprise (article L.230-2-I).
Ces différents faits rendent compte de la meilleure prise en compte des risques du travail sur la santé mentale mais probablement également des évolutions récentes du monde du travail : mondialisation et tension des marchés, intensification de la charge de travail, flexibilité maximale, développement du secteur des nouvelles technologies de l’information et de communication (NTIC), essor des activités du secteur tertiaire, etc.
Quelques chiffres en Europe et en France
D’après la troisième enquête européenne sur les conditions de travail 2000, 28 % des salariés européens déclarent que leur travail est source de stress.
Les résultats des deux enquêtes précédentes, réalisées en 1990 et 1995 [1] , montrent une certaine stabilité de ce pourcentage depuis 1995.
Hormis la partie française des enquêtes européennes, il n’existe pas d’études françaises nationales spécifiques sur le stress au travail.
Toutefois, les enquêtes périodiques « Conditions de travail » [2] que réalise le ministère chargé du Travail, auprès d’un échantillon représentatif de la population active française, permettent de repérer des caractéristiques de travail contraignantes et leur évolution au cours du temps.
On peut ainsi relever, à partir des trois dernières enquêtes, les évolutions suivantes :
Certaines contraintes liées au travail s’aggravent progressivement au cours du temps. Ainsi, plus d’un travailleur sur deux travaille dans l’urgence ; plus d’un sur trois dit appliquer strictement les consignes ou reçoit des ordres contradictoires.
Pour un travailleur sur trois également, les relations dans le travail sont source fréquente de tensions.
Enfin, le sentiment de responsabilité, vis-à-vis de son travail, concerne de plus en plus de travailleurs.
Intensification du travail
Proportion des salariés qui déclarent | en 1991 | en 1998 |
---|---|---|
Devoir fréquemment interrompre une tâche qu’ils sont en train de faire pour en effectuer une autre non prévue | 48 | 56 |
Devoir souvent ou toujours se dépêcher | - | 52 |
Ne pas avoir de collaborateurs en nombre suffisant | 27 | 30 |
Manquer de temps pour effectuer correctement leur travail | 23 | 25 |
Ces chiffres reflètent une augmentation de l’intensification du travail depuis les années 1990.
Plus de la moitié des salariés français déclare, ainsi, travailler dans l’urgence.
Contraintes de rythme de travail
Proportion des salariés qui déclarent | en 1984 | en 1991 | en 1998 |
---|---|---|---|
Leur rythme de travail est imposé par des contraintes de cadence | 5 | 8 | 10 |
Leur rythme de travail est imposé par des normes ou des délais inférieurs à l’heure | 7 | 16 | 23 |
Leur rythme de travail est imposé par une demande à satisfaire immédiatement | 28 | 46 | 54 |
De plus en plus de salariés perçoivent leur rythme de travail comme contraignant.
De plus une personne sur trois, en 1998, dit se trouver dans l’impossibilité de faire varier les délais fixés pour la réalisation de sa tâche.
Degré d’autonomie / de contrôle
En 1998, une personne sur trois déclare devoir appliquer strictement les consignes de travail, même si, entre 1991 et 1998, l’évolution semble se faire vers une plus grande marge de manoeuvre. |
Relations de travail
Proportion des salariés qui déclarent | en 1991 | en 1998 |
---|---|---|
Vivre souvent des situations de tensions dans leurs rapports avec : | ||
- leurs collègues | - | 21 |
- leurs supérieurs hiérarchiques | - | 30 |
- le public | 22 | 30 |
Leur rythme de travail est imposé par des normes ou des délais inférieurs à l’heure | - | 24 |
Être dans l’impossibilité de coopérer | 13 | 14 |
En 1998, les situations de tension avec les supérieurs hiérarchiques sont plus fréquemment déclarées que les situations de tension avec les collègues. Un travailleur sur trois se plaint de tension avec le public (usagers, patients, voyageurs, clients, etc.).
Ordres contradictoires
Plus d’un tiers (35 %) de la population active française déclare, en 1998, recevoir des ordres ou des indications contradictoires, ce qui est reconnu comme un facteur stressant. |
Sentiment de responsabilité
Proportion de salariés qui déclarent qu’une erreur dans leur travail peut ou pourrait entraîner | en 1991 | en 1998 |
---|---|---|
Des conséquences graves pour la qualité du produit ou du service | 60 | 65 |
Des coûts financiers importants pour l’entreprise | 44 | 55 |
Des conséquences dangereuses pour leur sécurité ou celle d’autres personnes | 31 | 38 |
Des sanctions à leur égard (risque pour l’emploi, diminution importante de la rémunération) | 46 | 60 |
Entre 1991 et 1998, le sentiment de responsabilité tend à augmenter : de plus en plus de salariés estiment qu’une erreur dans leur travail peut ou pourrait avoir des conséquences importantes pour eux, et/ou pour les autres, et/ou pour l’entreprise.
Facteurs de stress au travail
Les facteurs de stress sont les composantes d’une situation de travail qui génèrent une tension ou un état de stress.
Dans un même contexte professionnel stressant, bien qu’il existe de fortes différences de perception entre les personnes qui y sont confrontées, certains facteurs sont souvent identifiés, pour le plus grand nombre, comme « responsables » de l’état de stress.
Ce sont ces facteurs professionnels que nous allons décrire. Les caractéristiques individuelles associées au stress seront abordées en fin de chapître.
Facteurs de stress liés au contexte professionnel
La liste des facteurs professionnels exposant au stress est longue et évolue en même temps que le monde du travail.
Plusieurs classifications ont été proposées. Le détail de chacune des catégories peut varier d’une classification à l’autre, mais on retrouve généralement cinq grandes catégories de facteurs professionnels
- Facteurs liés à la tâche, c’est-à-dire au contenu même du travail à effectuer
- Fortes exigences quantitatives (charge de travail, rendement, pression temporelle, masse d’informations à traiter, ...)
- Fortes exigences qualitatives (précision, qualité, vigilance, ...)
- Caractéristiques de la tâche (monotonie, absence d’autonomie, répétition, fragmentation, ...)
- Risques inhérents à l’exécution même de la tâche (ex : erreur médicale fatale du chirurgien) Etc.
- Facteurs liés à l’organisation du travail
- Absence de contrôle sur la répartition et planification des tâches dans l’entreprise ;
- Imprécision des missions confiées (Qu’attend-on de moi ? Comment dois-je m’y prendre ? Sur quelle base serai-je évalué(e) ? ) ;
- Contradiction entre les exigences du poste (Comment faire vite et bien ? Qui dois- je satisfaire : le client ou le respect de quotas ? ) ;
- Inadaptation des horaires de travail aux rythmes biologiques, à la vie sociale et familiale ;
- Nouveaux modes d’organisation (flux tendu, polyvalence, ...) ;
- Instabilité des contrats de travail (contrat précaire, sous-traitance, ...), etc.
- Facteurs psychosociaux (liés aux relations de travail)
- Manque d’aide de la part des collègues et/ou des supérieurs hiérarchiques ;
- Management peu participatif, autoritaire, déficient, etc ;
- Absence de reconnaissance du travail accompli, etc.
- Facteurs liés à l’environnement physique et technique
- Nuisances physiques au poste de travail (bruit, chaleur, humidité, ...) ;
- Mauvaise conception des lieux et/ou postes de travail (manque d’espace, éclairage, ...), etc.
- Facteurs liés à l’environnement socio-économique de l’entreprise
- Surenchère à la compétitivité sur le plan national ou international ;
- Mauvaise santé économique de l’entreprise ou incertitude sur son avenir, etc.
Disposer d’une liste de facteurs de stress de ce type, sur la base de l’accumulation des résultats de recherche, est un outil intéressant pour une première approche du problème. Il est possible d’aller plus loin en prenant en compte le poids de chaque facteur et la combinaison des facteurs entre eux. En effet, selon les situations de travail, ces facteurs de stress ont une importance variable et peuvent interagir entre eux, en se neutralisant ou au contraire en se renforçant.
Plusieurs modèles de stress ont ainsi été proposés pour intégrer cette complexité.
Les quatre modèles les plus utilisés dans le domaine de la recherche sont les suivants.
Le modèle demande psychologique / latitude décisionnelle de Karasek
Le modèle de Karasek, proposé au début des années 1980, est d’origine nord-américaine. Il est essentiellement utilisé dans les études épidémiologiques sur le stress au travail.
L’intérêt de ce modèle est de proposer une explication du stress au travail, en croisant deux types de facteurs de stress :
La demande psychologique, associée aux contraintes liées à l’exécution de la tâche (quantité, complexité, contraintes de temps, etc.)
La latitude décisionnelle, qui recouvre d’une part le contrôle que l’on a sur son travail, c’est-à-dire la plus ou moins grande autonomie dont on dispose dans l’organisation des tâches et la participation aux décisions, et d’autre part l’utilisation de ses compétences : possibilité d’utiliser ses qualifications, capacité à développer de nouvelles compétences.
Le croisement de ces deux caractéristiques permet de définir quatre types de situations de travail (cf. schéma suivant).
Le modèle de Karasek : Demande psychologique / latitude décisionnelle
Demande psychologique | |||
---|---|---|---|
Faible | Elevée | ||
Latitude décisionnelle | Faible | Travail passif | Travail surchargé |
Elevée | Travail détendu | Travail dynamique |
La situation exposant le plus au stress est celle qui combine à la fois une demande psychologique élevée et une faible latitude décisionnelle.
Toutefois les études montrent que c’est surtout l’absence de contrôle que la personne pense avoir sur sa situation qui est très important dans l’apparition d’un état de stress (et en dehors du modèle élaboré par Karasek, la notion de contrôle est présente dans d’autres modèles).
Par la suite une troisième dimension a été introduite dans le modèle de Karasek. Il s’agit du soutien social au travail (soutien socio-émotionnel et technique) de la part des collègues et des supérieurs hiérarchiques, qui module le déséquilibre [demande psychologique/latitude décisionnelle] : une situation combinant une demande psychologique élevée et une faible latitude décisionnelle (« travail surchargé ») est mieux supportée si la personne est soutenue par (ou peut compter sur) son entourage professionnel.
Le modèle « P-E fit »
Le modèle « P-E fit » (Person-Environment Fit) signifie littéralement le modèle de l’ajustement (ou adéquation) entre la personne et son environnement. Il est également d’origine nord-américaine, et date de la fin des années 70, début des années 80.
Il est surtout utilisé dans le domaine de la recherche en psychologie sur le stress au travail.
Dans ce modèle, l’état de stress est expliqué comme le résultat d’une absence d’adéquation entre environnements de travail (variant dans leurs exigences et leurs récompenses) et les personnes (variant dans leurs attentes et leurs aptitudes).
Le stress peut survenir en deux circonstances, lorsqu’il y a non ajustement entre : les capacités d’une personne et les exigences de la tâche les besoins de la personne et ceux pouvant être satisfaits par le travail (récompenses).
Le modèle suivant, proposé par Siegrist, est l’une des applications du modèle P-E fit.
Le modèle du déséquilibre efforts/récompenses de Siegrist
Ce modèle, développé par l’équipe de Siegrist en Allemagne, à partir de 1986, est basé sur le modèle précédent (« P-E fit »).
Comme le modèle de Karasek, il est souvent utilisé dans les études épidémiologiques du stress au travail.
Selon le modèle de Siegrist, l’état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre les efforts qu’une personne consent à fournir dans son travail et les récompenses qu’elle en reçoit en retour.
Dans ce modèle, deux types d’efforts sont considérés :
- Les efforts extrinsèques correspondent aux exigences psychologiques développées dans le modèle de Karasek (contraintes de temps, interruptions, responsabilités, heures supplémentaires, charge physique, augmentation de la demande).
- Les efforts intrinsèques représentent des facettes de la personnalité (besoin d’approbation, compétitivité et hostilité latente, impatience et irritabilité disproportionnées, incapacité à s’éloigner du travail).
Les récompenses peuvent être de trois sortes :
- les gains monétaires (salaires, primes, etc) ;
- l’estime reçue de la part des collègues et des supérieurs ;
- le degré de contrôle sur son statut professionnel (perspectives de promotion, sécurité de l’emploi, etc).
Le modèle transactionnel du stress
Un consensus existe sur le fait que le stress implique nécessairement un sujet actif, qui réagit, en fonction de sa subjectivité, face à son environnement (de travail) et aux événements majeurs et quotidiens de sa vie professionnelle.
La personne ressent du stress lorsqu’elle perçoit un déséquilibre entre les contraintes imposées par son environnement et ses ressources pour y faire face.
Le modèle transactionnel (également nord-américain) proposé par Lazarus et Folkman (à partir de 1984) met l’accent sur les processus d’évaluation de la situation, c’est-à-dire sur l’activité mentale (cognitive) de la personne en situation de stress.
Il est utilisé dans le domaine de la recherche en psychologie sur le stress au travail.
Cette activité cognitive est schématisée et commentée ci-dessous.
Modèle transactionnel du stress (Lazarus et Folkman)
Evaluation : | |
---|---|
Primaire (stress perçu) | Secondaire (contrôle perçu) |
La situation comporte-t-elle un enjeu pour moi ? Si oui, est-ce : une perte ? une menace ? un défi ? | Que puis-je faire ? M’est-il possible d’intervenir, de changer quelque chose à la situation, compte-tenu de mes ressources ? |
Stratégie d’adaptation (coping) : | |
centrées sur le problème | centrées sur les émotions |
Face à une solution qui lui pose problème, la personne évalue d’abord l’enjeu de la situation : représente-t-elle une perte, une menace, un défi ? Il s’agit du stress perçu (ou évaluation primaire).
Elle évalue ensuite les ressources dont elle dispose pour agir, répondre et éventuellement intervenir sur la situation qui lui pose problème. Il s’agit du contrôle perçu (ou évaluation secondaire).
Enfin, cette appréciation personnelle de l’enjeu et des ressources permet à la personne d’orienter ses réponses face à cette situation de stress. On parle alors de stratégies d’adaptation ou d’ajustement au stress (le terme consacré est « coping », de l’anglais « to cope » = « faire face »).
Ces stratégies de coping peuvent être orientées vers la résolution du problème (recherche de solutions, meilleure organisation, demande d’aide auprès des collègues, ...) et/ou vers la gestion des émotions engendrées par le stress (exprimer sa colère ou au contraire l’inhiber, ruminer ses erreurs, ...) .
Le niveau d’analyse est ici l’individu et son appréciation subjective de la situation ou de l’événement auquel il est confronté. Le niveau d’analyse est ancré à la réalité du travail et à ses conditions de réalisation. Le stress devient une préoccupation collective lorsqu’il y a une accumulation de plaintes provenant de personnes différentes en lien avec le travail.
Caractéristiques individuelles associées au stress
De nombreuses études ont été réalisées sur l’impact des facteurs de personnalité dans la survenue de l’état de stress.
Certains facteurs personnels ont été remis en cause, soit parce qu’ils se sont révélés mal définis ou mal évalués, soit parce que leur relation avec l’état de stress n’est pas stabilisée.
Il a notamment été rapporté que les personnalités dites de « type A », caractérisées par une extrême compétitivité, un grand désir de réussite, et une fréquente agressivité et impatience, étaient plus exposées au stress professionnel et plus fréquemment victimes de problèmes de santé. Toutefois, les études récentes n’ont pas confirmé ces résultats.
Parmi les facteurs de personnalité qui semblent effectivement jouer un rôle dans la survenue du stress, on peut à l’heure actuelle citer l’instabilité émotionnelle (ou névrosisme). Elle réfère à un état chronique d’irritabilité et de prédisposition à la détresse psychologique. Elle correspond également à une prédisposition à percevoir et à ressentir la réalité comme menaçante, problématique et pénible. Elle est de ce fait un facteur fragilisant, qui rend la personne plus vulnérable, moins « armée » face aux événements négatifs de la vie professionnelle, quel que soit leur degré de gravité : soucis quotidiens, imprévus, agressions, événement dramatique ...
Mécanismes physiologiques du stress
Le terme de stress a été introduit pour la première fois par Hans Selye (1907-1982), médecin-endocrinologue autrichien. Pour Selye, le stress est une « réponse non spécifique de l’organisme face à une demande ».
Il est à l’origine du concept de Syndrome Général d’Adaptation (en 1935) défini ci-dessous. Si pour Selye, la réaction à un stimulus stressant est identique quelle que soit la situation, cette notion a été réactualisée par des recherches récentes.
En effet, tout au long de notre vie, nous mémorisons les situations stressantes (comme par exemple la confrontation à une désapprobation majeure d’un supérieur hiérarchique) mais également les réactions biologiques qu’elles ont engendrées.
Face à une situation que nous associons à une expérience passée, nous répondons, sur le plan biologique, par une stimulation hormonale d’une intensité et d’une durée influencées par celle précédemment mémorisée.
Le Syndrome Général d’Adaptation
Face à un stimulus stressant, l’organisme réagit en trois phases : c’est le Syndrome Général d’Adaptation ou S.G.A.
Réaction de l’organisme face face à un stimulus stressant :
- Phase 1 : Réaction d’alarme
Dès la confrontation à la situation évaluée comme stressante, des hormones sont libérées par l’organisme (système sympathique) via la glande médullosurrénale : les catécholamines (adrénaline à 80% et noradrénaline à 20%). Ces hormones ont pour effet d’augmenter la fréquence cardiaque, la tension artérielle, les niveaux de vigilance, la température corporelle et de provoquer une vasodilatation des vaisseaux des muscles. Toutes ces modifications ont pour but de préparer l’organisme au « combat ou à la fuite ».
- Phase 2 : Résistance
Si la situation stressante persiste, l’organisme entre en phase de résistance. Un second axe neurohormonal, l’axe corticotrope est activé préparant ainsi l’organisme aux dépenses énergétiques que nécessitera la réponse au stress. De nouvelles hormones, les glucocorticoïdes sont sécrétées : elles augmentent le taux de sucre dans le sang pour apporter l’énergie nécessaire aux muscles, au cœur et au cerveau, en y maintenant un apport constant en glucose. Les glucocorticoïdes ont la particularité de pouvoir freiner leur propre sécrétion par rétroaction : la quantité libérée dans le sang est détectée par des récepteurs du système nerveux central qui adaptent la sécrétion. Il s’agit là d’un système autorégulé.
- Phase 3 : Epuisement
Si la situation stressante se prolonge encore ou s’intensifie, les capacités de l’organisme peuvent être débordées. L’organisme entre dans une phase d’épuisement caractérisée par une hyperstimulation de l’axe corticotrope : la boucle rétroactive évoquée précédemment devient inefficiente, les récepteurs du système nerveux central deviennent moins sensibles aux glucocorticoïdes lesquels augmentent constamment dans la circulation. L’organisme est alors submergé d’hormones activatrices pouvant nuire à la santé.
Conséquences pour la santé
Les mécanismes physiologiques (précédemment décrits) mis en jeu pour faire face à une situation de stress peuvent être néfastes pour l’organisme, dans certaines conditions.
Dans une situation stressante intense et prolongée, la sécrétion des hormones activatrices (catécholamines et glucocorticoïdes) est dérégulée.
La personne, submergée par ces hormones, activera de façon importante différents systèmes de l’organisme ; cette hyper-activation entraînera en quelques semaines l’apparition de symptômes divers :
Symptômes physiques
- douleurs (coliques, maux de tête, douleurs musculaires, articulaires, etc.) ;
- troubles du sommeil, de l’appétit et de la digestion ;
- sensations d’essoufflement ou d’oppression ;
- sueurs inhabituelles, etc.
Symptômes émotionnels
- sensibilité et nervosité accrues, crises de larmes ou de nerfs, angoisse, excitation, tristesse, sensation de mal-être, etc.
Symptômes intellectuels
- perturbation de la concentration nécessaire à la tâche entraînant des erreurs et des oublis ;
- difficultés à prendre des initiatives ou des décisions, etc.
Symptômes comportementaux
- modification des conduites alimentaires ;
- comportements violents et agressifs ;
- isolement social (repli sur soi, difficultés à coopérer), etc.
Ces symptômes ont des rercussions gênantes qui amènent les personnes à recourir à des produits calmants ou excitants (café, tabac, alcool, somnifères, anxiolytiques, etc.).
Si la situation stressante se prolonge dans le temps et/ou si elle est très intense, l’organisme s’épuise.
Les différents symptômes s’aggravent et/ou se prolongent entraînant des altérations de la santé qui peuvent devenir irréversibles. L’état de stress devient alors permanent et peut se traduire par un « syndrome métabolique », association de différents symptômes tels que l’obésité abdominale, la résistance à l’insuline (qui peut évoluer vers un diabète), l’hypertension artérielle, des perturbations du métabolisme des lipides.
Ces perturbations métaboliques sont, en outre, des facteurs de risque pour le système cardiovasculaire.
Les relations entre certains facteurs professionnels de stress et le risque d’accident cardio-vasculaire ont été très largement étudiées : on a ainsi pu démontrer un risque accru de maladies coronariennes et même de décès par maladies cardio-vasculaires chez des personnes exerçant une activité professionnelle sans grande marge de manœuvre (faible « contrôle » au sens du modèle de Karasek).
D’autres études ont montré que l’association d’une forte demande psychologique et d’un faible contrôle était liée à un risque de mortalité cardio-vasculaire. Ces études épidémiologiques présentent un grand intérêt car elles sont longitudinales et permettent de suivre un grand nombre de personnes (« cohortes ») pendant plusieurs années. On peut par là même mesurer les facteurs de stress au travail en amont des maladies, et les autres facteurs de risque des maladies étudiées (tabagisme par exemple pour les maladies cardio-vasculaires) sont mieux pris en compte.
La dépression et l’anxiété ont été largement explorées dans des situations de stress au travail
Des études ont mis en évidence qu’une forte demande psychologique au travail, associée à une faible latitude décisionnelle et à un faible soutien social au travail (manque d’aide ou de soutien de part des collègues ou des supérieurs), étaient prédictifs de dépression, autant chez les hommes que chez les femmes.
Les problèmes d’anxiété sont également plus fréquemment retrouvés en cas de situations stressantes prolongées.
Les troubles musculo-squelettiques du membre supérieur sont de plus en plus souvent rapportés à une combinaison de risques : sollicitations biomécaniques au travail (résultant de mouvements répétitifs), mais aussi manque de soutien social ou insatisfaction dans le travail.
La diminution de la résistance aux infections ou l’apparition de maladies immuno-allergiques telles que l’asthme, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux et la colite ulcérative ont également été rapportés à des situations stressantes prolongées.
Toutefois les mécanismes en jeu ne sont pas clairement identifiés.
D’autres pathologies ont fait l’objet de travaux mais les résultats ne permettent pas de conclusions définitives. Il s’agit de l’ulcère gastro-duodénal, des colites fonctionnelles, du cancer, des désordres hormonaux (de la thyroïde ou des sécrétions androgènes ou oestrogènes) ou de certaines pathologies de la grossesse (prématurité, infertilité).
Sources :
- Texte largement inspiré d’un dossier INRS sur http://www.inrs.fr
- http://www.anact.fr (ANACT : agence nationale pour les conditions de travail)
- https://www4.fsa.ulaval.ca (site canadien)