Ajout du 21/07/2022, complété le 26/09/2022 :
Le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) est aligné sur la dénonciation de la CFTC sur les manquements en droit du barême Macron, qui le déclare contraire à la charte sociale européenne
Dans un arrêt du 11 mai 2022, la Cour de cassation s’était prononcée sur la validité du barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse en estimant qu’il n’était pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail et que les juges du fond ne pouvaient l’écarter étant donné qu’il était conforme aux engagements internationaux.
Or, ce n’est pas la position retenue par le Comité européen des droits sociaux (CEDS) qui, dans un rapport du 23 mars 2022, a considéré que le barème Macron violait l’article 24 de la Charte sociale européenne car il ne garantissait pas aux salariés le droit à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. Son avis n’a néanmoins pas d’effet contraignant pour les juridictions françaises mais il a au moins été transmis au Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 25 mai 2022, en vue de l’adoption d’une résolution ou d’une recommandation qui sera adressée au gouvernement français.
Le CEDS a confirmé sa position à travers la décision rendue publiquement le 26 septembre 2022, en rappelant que ses décisions « peuvent servir de base à des développements positifs pour les droits sociaux » et que la Charte sociale européenne, complément de la convention européenne des droits de l’Homme en matière sociale et économique, est un texte contraignant pour les États qui l’ont signé. Or, la France l’a signée quant à elle en 1996 et ratifiée en 1999...
La Cour de Cassation vient de valider le barème Macron dans son arrêt du 11 mai 2022.
En fixant le coût d’un licenciement, ce barème permet aux entreprises de budgéter, de provisionner ce licenciement, sans causes réelles et sérieuses. Un licenciement qui n’a donc pas lieu d’être. C’est inimaginable. Quel message la « justice » envoie-t-elle ici ? Le droit de punir « sans cause réelle et sérieuse » ? Le droit de licencier injustement, au bon vouloir des employeurs ?
Si la Cour de cassation a validé le barème Macron, la CFTC quant à elle n’accepte pas ce principe : la dignité humaine n’est pas négociable ou marchandisable pour quelque logique de profit ou de pouvoir que ce soit, ni au travail, ni ailleurs.
Barème Macron : « le droit de licencier injustement est inimaginable »
Pour rappel, depuis 2018 les indemnités que peut réclamer un salarié injustement licencié sont encadrées par un barème qui varie en fonction de l’ancienneté du salarié, sauf dans les cas de nullité (par exemple en cas de discrimination, harcèlement, protection de la femme enceinte…).
Diverses décisions au niveau des Prud’hommes, validées en Cour d’Appel, sortaient du barème au motif d’un préjudice prouvé, dont le montant dépassait le plafond de ce barème, en appliquant divers textes internationaux comme l’article 24 de la Charte Sociale Européenne ou l’article 10 de la Directive 158 de l’Organisation Internationale du Travail.
Dans la dernière décision rendue par la Haute Cour, le salariait prouvait un préjudice de 32 000 € selon les montants retenus en Appel, pourtant la Cour de Cassation a considéré que les 17 615 € du plafond du barème indemnisaient suffisamment le salarié, balayant d’un revers de manche le principe de réparation juste d’un préjudice réel…
La CFTC Intérim dénonce une décision purement politique qui est un véritable camouflet pour la justice de notre pays. En effet, comment considérer qu’un préjudice ne puisse être que si injustement indemnisé, en contradiction avec d’autres principes de réparation de notre droit (article 1240 du Code Civil par exemple), et même une contradiction avec notre constitution ? Car en statuant ainsi, la Haute Cour considère le salarié injustement licencié comme une partie mineure et la société fautive comme un élément à protéger, ce qui contrevient au principe d’égalité devant la justice.
Dès la publication des ordonnances en 2017, devenues L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du Code du Travail concernant le barème, nous savions que seule la Cour de justice de l’Union européenne pourrait invalider ce barème inique, comme elle l’a fait dernièrement avec le barème Italien, proche de celui mis en place en France et pour lequel la France était intervenue en faveur de l’Italie. Nous espérons d’ailleurs que ces affaires iront jusqu’à l’Europe et resterons attentifs sur les décisions qui en sortirons.
Cette décision ne fait que jeter une fois de plus la suspicion sur la réelle indépendance de notre justice par rapport au pouvoir politique.
Pour la CFTC, elle viole également le sens des lois qui régissent notre société qui sont censées protéger le faible devant le fort, qui plus est dans un contexte où, rappelons-le, l’entreprise a licencié injustement son salarié.