Si l’annonce au salarié intérimaire d’une proposition de CDI était jusqu’à présent toujours une bonne nouvelle, car souvent attendue par le salarié intérimaire, mais même lorsque la proposition n’était pas bonne, le salarié avait la pleine liberté de décliner la proposition.
L’intérimaire qui refusait le CDI perdait alors simplement le droit à Indemnité de Fin de Contrat (IFM) de 10% des rémunérations perçues pendant la mission.
Désormais depuis le 1er janvier 2024, en cas de refus de la poursuite du contrat, le salarié précaire (CDD ou CTT) perd ses droits à indemnisation chômage
Outre la perte des 10% d’IFM, le nouveau principe législatif entend priver de surcroit le salarié précaire d’indemnisation chômage, en cas de refus de CDI équivalent à son dernier contrat.
Note : en cas de démission, la perte d’indemnisation dure 4 mois, si ensuite le demandeur d’emploi sollicite la reprise de son indemnisation et justifie sa recherche d’emploi.
L1243-11-1 du Code du Travail :
Lorsque l'employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée sous la forme d'un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l'employeur en informe l'opérateur France Travail en justifiant du caractère similaire de l'emploi proposé.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.»
Toutefois, ces modalités d’application sont entourées de garanties sur le CDI proposé aux salariés précaires.
Pourquoi les risques pour les intérimaires de se faire radier de Pôle Emploi (nouvellement France Travail) devraient rester limités ?
Si un intérimaire veut refuser une proposition de CDI sans perdre ses droits à chômage, il doit être attentif et exiger de l’entreprise utilisatrice les garanties auxquelles il a droit concernant la proposition de CDI :
- En quoi le nouveau contrat ne garantit-il pas un poste identique ou similaire à celui du contrat précaire ? Notamment en terme de qualification ou de lieu ? Mais si la qualification est différente et convient à l’intérimaire, alors pas de problème évidemment, l’intérimaire a alors le choix de dire oui ou non au CDI.
- La rémunération est-elle au moins équivalente ?
- La durée de travail est-elle équivalente ? Si la personne veut conserver un temps partiel par exemple, ou si un accord temps de travail de l’entreprise utilisatrice serait en contradiction avec le temps de travail défini au contrat précaire.
- La proposition de CDI est-elle effectivement formulée (et détaillée, donc...) par écrit, envoyée en recommandé avec avis de réception ?
- La proposition indique-t-elle effectivement un délai de réflexion ? Ce délai est-il également raisonnable ? Quinze jours nous parait un minimum correct, c’est d’ailleurs le délai qu’a l’entreprise utilisatrice pour répondre aux questions de Pôle Emploi (nouvellement France Travail).
R1243-2 du Code du Travail :
I.-Lorsque l'employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée sous la forme d'un contrat à durée indéterminée dans les conditions prévues à l'article L. 1243-11-1, il notifie cette proposition au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, par lettre remise en main propre contre décharge, ou par tout autre moyen donnant date certaine à sa réception, avant le terme du contrat à durée déterminée.
II.-L'employeur accorde au salarié un délai raisonnable pour se prononcer sur la proposition de contrat à durée indéterminée en lui indiquant qu'à l'issue de ce délai de réflexion, une absence de réponse de sa part vaut rejet de cette proposition. En cas de refus exprès ou tacite du salarié dans ce délai, l'employeur dispose d'un délai d'un mois pour informer l'opérateur France Travail de ce refus. L'information de l'opérateur France Travail est réalisée par voie dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté du ministre chargé de l'emploi.
1° Cette information est assortie d'un descriptif de l'emploi proposé et des éléments permettant de justifier dans quelle mesure :
a) L'emploi proposé est identique ou similaire à celui occupé ;
b) La rémunération proposée est au moins équivalente ;
c) La durée de travail proposée est équivalente ;
d) La classification de l'emploi proposé et le lieu de travail sont identiques.
2° Cette information est également accompagnée de la mention :
a) Du délai laissé au salarié pour se prononcer sur la proposition de contrat à durée indéterminée ;
b) De la date de refus exprès du salarié, ou en cas d'absence de réponse, de la date d'expiration du délai prévu au a), au terme duquel le refus du salarié est réputé acquis.
3° Si l'opérateur France Travail constate que les informations fournies sont incomplètes, il adresse une demande d'éléments complémentaires à l'employeur, qui dispose d'un délai de quinze jours à compter de cette demande pour y répondre.
À réception des informations complètes, l'opérateur France Travail informe le salarié de cette réception et des conséquences du refus de contrat à durée indéterminée sur l'ouverture de droit à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail.
Intérimaires en CDII : pas de risque particulier
Les intérimaires en CDII bénéficiant par définition d’un CDI et n’étant pas soumis à indemnisation Pôle Emploi (nouvellement France Travail), ils ne sont pas concernés par cette nouvelle législation.
Intérimaires en CTT : le piège d’un CDI sous-qualifié, dans des conditions de travail difficiles et sous-payé
Les intérimaires en contrat de travail temporaire (CTT) ou les salariés en CDD, peuvent par contre être fait prisonnier d’un contrat dégradé qu’ils auraient accepté comme contrat d’attente, d’autant plus si l’entreprise utilisatrice a du mal à trouver du personnel pour une raison ou pour une autre :
- poste sous qualifié par rapport au salarié intérimaire concerné,
- poste mal rémunéré,
- conditions de travail difficiles.
Si le salarié intérimaire attendait une fin de son contrat d’intérim pour être libéré, il peut alors se retrouver devant un choix cornélien : soit se faire exploiter en CDI et devoir trouver par lui-même un autre travail, soit renoncer à indemnisation Pôle Emploi (nouvellement France Travail).
Note : La nouvelle Loi ne modifie sinon pas le fait que lors d’une embauche CDI après des missions, l’ancienneté des missions durant les 3 mois avant l’embauche est déduite de la période d’essai CDI (article L1251-38 du code du travail).
Un autre risque pourrait théoriquement toucher des profils d’intérimaires inversement positionnés sur des métiers recherchés. Mais pour ceux-là, seulement s’ils envisagent ou rencontrent une longue intermission après leur contrat précaire. En effet, la proposition d’un CDI par l’entreprise utilisatrice couperait les droits à indemnité chômage. Mais comme la procédure doit laisser un temps de réflexion plus un délai de transmission par l’entreprise utilisatrice de plusieurs semaines, puis de traitement par Pôle Emploi (nouvellement France Travail), on peut imaginer que ce risque ne crée une contrainte que de portée limitée et plutôt théorique pour un tel profil de salarié intérimaire.
Intérimaires en CTT : et si c’est l’agence de travail temporaire qui propose un CDI Intérimaire (CDII) en fin de mission, le salarié intérimaire perd-t-il aussi ses droits à indemnisation chômage ?
Clairement non, au vu des conditions évoquées ci-avant. En effet, le CDII est absolument non conforme aux conditions posées par le code du travail pour perdre ses droits à indemnisation chômage :
- les CDII ne peuvent pas proposer de poste équivalent, car ils comportent plusieurs métiers,
- pas de rémunération équivalente garantie dans un CDII, hormis pour des intérimaires dont la mission serait déjà au SMIC et sans aucune autre prime ou rémunération annexe,
- pas de lieu garanti dans le CDII, seulement un périmètre d’éloignement.
Conseils pour refuser un CDI après une mission
En résumé, voici quelques conseils de la CFTC-intérim pour un salarié intérimaire qui souhaite refuser une proposition de CDI d’entreprise utilisatrice, sans perdre ses droits à indemnisation chômage :
- répondre par écrit votre refus motivé et conservez en copie : sans écrire un courrier en recommandé avec avis d’accusé-réception, écrivez au moins un courriel à votre destinataire ;
- formulez dans votre courriel des réserves sur les garanties qui vous manquent sur l’équivalence de la proposition de CDI avec votre dernière mission d’intérim : poste, rémunération, lieu, etc.