Tout au long du projet de déménagement du siège social Manpower, la CFTC a pu constater que la direction ne prêtait pour le moment pas attention aux mises en garde, aux remarques, ni aux demandes des différentes instances représentatives des salariés.
Début juillet, nous avons écrit à Françoise G. pour attirer son attention sur trois points qui nous paraissent primordiaux pour assurer aux salariés concernés par le déménagement un minimum de bien-être. Nous constatons avec amertume qu’aucune de nos trois demandes n’a obtenu satisfaction. Dans son courrier de réponse daté du 13 juillet 2009, Mme Françoise G. répond négativement à la demande de bureaux de type open-space limités à 6 ou 8 personnes, à la possibilité pour les salariés de conserver le choix entre les tickets restaurant et le RIE et à la création d’une salle de sports.
Les attentes des salariés sont donc encore une fois totalement ignorées de la part de nos dirigeants. Les efforts demandés vont toujours dans le même sens (employeur -> salariés). Même des demandes pourtant minimes par rapport à la taille et au coût que représentent ce déménagement sont systématiquement rejetées.
Le recours en justice est impossible et le faible taux de syndicalisation dans l’entreprise ne nous permet pas d’entrevoir des actions plus importantes pour engager un bras de fer avec la direction sur ces sujets. Toutefois, les élus CFTC continuerons à se battre au sein des instances représentatives pour améliorer vos conditions de travail notamment sur ce déménagement.
A ce jour, la CFTC est très inquiète de la tournure prise par le projet, mené depuis le départ en dehors de toute considération sur ses conséquences concrètes. Site en zone létale Séveso 2 seuil haut, économies sur les baux, entassement des salariés, négation de la problématique du transport, absence de mesure concrète d’accompagnement, non respect des obligations légales en matière d’hygiène et de sécurité concernant le renouvellement d’air... : en acceptant de se laisser guider par une logique financière chimérique et à courte vue, la direction est parée pour achever d’enfermer son projet en impasse, avec à terme des conséquences désastreuses pour l’entreprise et ses salariés.
Pour ne citer qu’un exemple du coût économique et social du projet : à partir de l’allongement moyen théorique du temps de transport calculé par la direction elle-même, soit 25 mn par jour et par salarié, le seul facteur temps de transport représente une perte et un coût global pour le siège et ses salariés de plus de 30 équivalents temps-plein !
La réalité des coûts sera en fait bien plus importante, car l’intensité particulière des dysfonctionnements du RER A, passage obligé pour la quasi-totalité des salariés sur le futur siège, allonge en fait la réalité du temps de transport particulièrement sur cette ligne par rapport à toute autre, et pour le moins à la base de comparaison servant à ce calcul. Que compte faire à ce jour la direction de manière concrète sur la question des transports pour atténuer risques ? Pour atténuer les impacts individuels des salariés au cas par cas ?
En l’absence de toute mesure concrète, l’effort de communication marketing démesuré déployé par la direction avec énergie pour tromper les apparences n’y changera malheureusement rien. L’analyse technique du CHSCT, au travers de son avis rendu le 24/08/2009, est quant à elle particulièrement révélatrice de la multiplicité et de l’ampleur des atteintes aux conditions de travail portées par le projet :
« Avis CHSCT Siège Manpower du 25 août 2009
Le CHSCT a rendu à l’unanimité un avis défavorable au projet d’aménagement présenté par la direction, au vu des points suivants :
1. Sur l’insuffisance et la non-conformité légale du renouvellement d’air :
Alors que les normes légales françaises obligent à un minima de renouvellement d’air de 25 m3 par heure et par personne en bureaux et de 30 m3 en salle de réunion (R.4222-6), le projet présenté par la direction n’atteint pas ces niveaux pourtant déjà qualifiés de médiocres par les normes européennes (EN 13779 de 2004), qui déterminent ce seuil à 36 m3. Le bâtiment ayant été conçu et livré avec un débit d’air insuffisant par rapport aux besoins du projet de Manpower, les aménagements envisagés par la direction laissent planer une interrogation quant aux risques de nuisance sonore générée par cet apport d’air forcé supplémentaire.
Au-delà des conséquences inhérentes à l’insuffisance du renouvellement d’air (irritations, fatigue mentale, maux-de-tête, propagation de germes type pandémie de grippe atypique actuelle, etc), le CHSCT relève que cette situation est générée par un entassement particulièrement intense et préoccupant des postes de travail, très largement en dessous des normes NF X35-102 notamment relatives à la surface par salarié.
2. Sur l’entassement des salariés :
Le CHSCT relève que la direction a pensé son projet au travers de calculs erronés, puisqu’intégrant des surfaces hors des espaces de travail (sanitaires, halls, etc).
Alors que la norme NF X35-102 préconise 10m2 au minimum par personne, les surfaces calculées conformément aux normes indiquent un très grand nombre de postes de travail ne disposant que de 3 à 6,5 m2 seulement, niveaux que les experts qualifient d’invivables en terme de conditions de travail.
Ce seuil de 10m2 permettrait en plus une adaptation au long terme du poste de travail en fonction de l’évolution des besoins dans le temps (ajout de rangement, mise en place d’un bureau avec retour, etc).
En outre, il est même préconisé 15 m2 pour les postes de travail à activité bruyante (activité téléphonique des acheteurs, dérangements fréquents des assistantes, etc).
Cet entassement et cette absence de prise en compte des contraintes d’activité du poste de travail génèrent stress et agressivité, et portent gravement atteinte à la santé des salariés, aux conditions de travail et à son efficacité.
Le CHSCT demande que soit adjointes des surfaces supplémentaires ou que soit remis à disposition un des étages, des surfaces ayant été réattribuées à des entités supplémentaires (direction opérationnelle Ile de France et filiales de la holding), initialement absentes dans la version du projet présentée au CHSCT.
3. Sur l’inadéquation de l’aménagement :
Les conséquences de l’entassement préalablement décrit en matière d’atteinte aux conditions de travail sont multipliées par l’inadéquation de l’aménagement :
3.1. Absence d’isolement des postes de travail des couloirs de communication principaux, postes de travail positionnés devant des lieux de passage (toilettes, espaces pause, etc).
3.2. Gaspillage du peu d’espace disponible : la direction présente un projet où les bureaux individuels, consommateurs d’espace, sont attribués sur des considérations hiérarchiques, en particulier pour des raisons d’activité managériale. Le CHSCT relève qu’il s’agit bien là d’une décision contraire aux obligations de prise en compte des contraintes de conditions de travail, puisque les salariés en plateau open-space seront priés de changer leurs habitudes et de mener leurs activités bruyantes en salle de réunion. Or, à l’inverse de l’activité managériale, l’activité bruyante de nombreux salariés n’est pas toujours transportable en salle isolée.
Exemples : les acheteurs, en entretien téléphonique permanents avec les fournisseurs ; les informaticiens, en réunion de travail avec leurs collègues ou les maîtrise d’ouvrage devant leur poste informatique, etc.
Les gaspillages relevés sont énormes :
- La récupération de seulement 5 m2 sur chacun des 80 bureaux individuels représentent 400 m2, soit 40 postes de travail conformes à la norme NF X35-102 de 10m2 par personne ;
- De même, la mise en place d’armoires hautes au lieu d’armoire basses permettrait de récupérer 200 m2 d’espace au sol.
Autre exemple plus anecdotique relevé par le CHSCT : une salle de bain présidentielle est prévue, alors même qu’il existe déjà un équipement sanitaire avec douches.
3.3. Absence de recoupement des espaces : des cloisonnettes entre les postes de travail au choix du salarié, et des cloisons complètes entre les unités de travail, permettraient l’appropriation de l’espace par les salariés, la limitation des nuisances du plateau open-space et un minimum d’intimité.
Le CHSCT a par ailleurs noté que les cas relevés où les obligations de sécurité en matière d’espace de circulation minimum de 0,8m ne sont pas respectées, seraient de toute façon modifiées.
4. Sur l’éclairage :
Le CHSCT relève plusieurs points que l’expertise pointe comme source de difficulté visuelle pour les salariés, qui nécessitent des améliorations du projet :
4.1. Stores de façade non dégroupés : les stores sont maniables par façade entière, donc un réglage unique pour un même plateau open-space (il n’est prévu un dégroupage que par local fermé). La nécessité d’un réglage individuel implique la mise en place de stores intérieurs au cas où un dégroupage à ce niveau se révèlerait impossible.
4.2. Postes de travail mal orientés : certains postes soumis à éblouissement sont conçus dos ou face aux fenêtres au lieu d’un positionnement perpendiculaire, et doivent donc être réorientés.
Par ailleurs, le plan d’implantation des luminaires n’ayant pas encore été présenté, le CHSCT rappelle que ces sources lumineuses ne doivent pas être positionnées à l’aplomb des postes de travail.
4.3. Bureaux aveugles : des bureaux étant situés à plus de 6m des ouvertures sur la lumière naturelle, ils sont considérés comme aveugles selon la norme NF X35-102, et nécessitent la mise en place d’un éclairage individuel de type lampe de bureau.
Par ailleurs, le CHSCT rappelle qu’en fonction de ses besoins et contraintes, chaque salarié devrait pouvoir bénéficier d’un tel équipement individuel.
5. Sur les aménagements non communiqués par la direction :
Le projet concernant le service courrier n’a pour le moment fait l’objet d’aucune présentation et se situe donc hors du champ de consultation. Le CHSCT a bien noté qu’il lui sera présenté ultérieurement.
Le CHSCT rappelle aussi les problèmes graves déjà relevés sur le projet :
6. Allongement du temps de transport quotidien moyen théorique de plus de 25 mn, nécessitant un accès quasi unique par la ligne A du RER, surpeuplée et à très haute fréquence d’indisponibilité pour cause d’incidents :
Le CHSCT demande la mise en place dans le projet d’un accompagnement nécessaire pour atténuer les conséquences des atteintes aux conditions de travail générées par les nouvelles conditions de transport :
- Mise en place d’une prime de transport indemnisant les surcoûts d’abonnement aux transports publics ;
- Mise en place d’une indemnité individuelle pour les frais de garde générés par l’allongement du temps de transport individuel de chaque salarié ;
- Concernant le travail à distance, le CHSCT déplore que la direction n’ait pas encore fait le choix d’entamer une réflexion et concertation sérieuse sur ce sujet soulevé par le CHSCT dés le premier semestre 2008, en anticipation suite à l’annonce d’un futur projet de déménagement. En particulier, face aux lacunes graves du projet en termes d’aménagement et l’insécurité très forte de l’acheminement des salariés vers le site pourtant retenu par la direction, le CHSCT estime que la négligence de la direction lui fait revêtir une responsabilité certaine et tout à fait particulière.
7. Situation du nouveau site en zone de danger Sévéso 2 seuil haut létale :
Le CHSCT rappelle la nécessité de mise en place d’un programme de formation de réels sauveteurs secouristes du travail, actuellement totalement inexistant.
Conclusion :
Au vu de l’accumulation irrépressible des risques et des atteintes réelles aux conditions de travail des salariés générés par le projet de la direction et les premiers choix qu’elle a opérés, le CHSCT se réserve de se porter partie civile en action pénale contre les dirigeants de l’entreprise Manpower, en cas d’atteinte avérée d’un ou de plusieurs salariés :
- Montée du stress, agressivité et conflits au travail face à l’entassement intérieur du bâtiment et la perte des espaces de décompression extérieur du fait de l’environnement immédiat ;
- Épuisement et dépressions, notamment face aux allongements des temps de transport et plus généralement face aux difficultés des nouvelles conditions de travail ;
- Atteinte respiratoire liée au trafic autoroutier immédiat et aux sous-capacités de renouvellement d’air du bâtiment ;
- Atteinte aux personnes suite à un accident industriel grave dû au site pétrolier ou au flux immédiat des camions citernes, ou suite aux insuffisances des procédures de prévention et d’évacuation.
- Etc.
En premier lieu, devant les insuffisances du projet présenté en matière de renouvellement d’air et de l’absence de prise en compte de l’ergonomie dynamique des postes de travail dans la conception des aménagements, le CHSCT exécutera postérieurement à l’emménagement, en relation entre direction et représentants des salariés :
- Une expertise portant sur la mesure des renouvellements d’air réels par espace cloisonné ;
- Une expertise sur l’adéquation de la conception ergonomique dynamique des postes de travail.
Les lacunes graves du projet présenté par la direction impliquent qu’une nouvelle version profondément remaniée doive nécessairement voir le jour avant réalisation, ne serait-ce que pour des raisons de conformité aux obligations légales. Aussi, suite aux engagements d’information complémentaire de la direction envers le CHSCT issus de la résolution formulée le lundi 24/08/2009 par le CHSCT, celui-ci sera susceptible de faire évoluer son jugement sur tel ou tel point du futur projet. »
Voir aussi :
- Notre article antérieur sur l’approche de la direction exclusivement marketing des problématiques posées par le projet de déménagement.
- Notre article antérieur sur les avis CE et CHSCT résolument négatifs sur le choix du site retenu pour le projet de déménagement, et l’analyse détaillée du risque industriel sur le site de Nanterre.